Looking right, then left… then right again, Pierre-Yves Brest

Pierre-Yves Brest propose une série de photographies réalisée de part et d’autre de la Manche. Elles représentent des hommes et des femmes, habitants ou migrants, qui plongent leur regard vers l’ailleurs, l’outre-Manche, le continent…
Cette série photographique (Ensemble de 25 photographies imprimées en digigraphie, 100 x 123cm) a été réalisée de part et d’autre de la Manche à l’occasion d’une double résidence organisée par les centres d’art Espace 36 (Saint-Omer) et Dover Arts Development (Douvres).

Collège Maxence Van der Meersch – 1 avenue Maxence Van der Meersch – 59100 Roubaix
Vernissage le mardi 28 mai à 17:00

Visible du 20 mai au 21 juin du lundi au vendredi 10h-17h et le mercredi 10h-12h.

En partenariat avec le Festival de l’Amitié et de la Citoyenneté 2013 – Histoires de Toi(t) et le Collège Maxence Van der Meersch

Le détroit de la Manche capte les imaginations… entre rêve, espoir et inquiétude.

Promeneurs d’un jour, touristes, habitants, migrants, amateurs d’exploits sportifs ou encore navetteurs, chacun aspire à un désir singulier face aux côtes franco-anglaises : distinguer le rivage opposé, s’y rendre, s’y établir, s’y reconstruire… y résider.

Le titre de la série fait allusion aux inscriptions placées aux passages pour piétons anglais, et évoque tout à la fois la traversée, ses risques, ses dangers, mais aussi ses plaisirs.

Les photographies montrent des hommes et des femmes d’âges et d’origines variés, photographiés de part et d’autre de la Manche, en intérieur, au bord d’une fenêtre, face à un voilage, un horizon marin… Les photographies ne présentent pas des portraits mais des figures anonymes mises en scène selon un protocole de prise de vue : distance régulière au sujet placé de dos ou de profil face à une ouverture lumineuse, pose lente, point de vue bas et frontal…

Chaque image est à la fois autonome et constitutive de la série. L’ensemble forme une image à part entière, globale, multiple, monumentale et plus complexe. Elle révèle une communauté humaine diverse et silencieuse assemblée un instant devant une large fenêtre imaginaire, panorama factice ouvert par delà les falaises du Kent et du Pas-de-Calais.

Les figures anonymes sont les observateurs observés d’événements invisibles situés hors-champ, au delà de la fenêtre et du cadre. Elles nous invitent à prendre part au sein du groupe, à déceler ce que la photographie refuse à livrer… et nous placent à notre tour en position de témoins ou encore de songeurs.

Le silence des images trouble notre silence. Le soupçon traverse l’ensemble de la série.

Certains éléments et détails accrochent régulièrement le regard : la découpe incisive d’une manche de tee-shirt, une lampe allumée en plein jour, un keffieh palestinien utilisé en ceinture, une écharpe occidentale qui esquisse l’enroulement d’un turban, un paysage artificiel de fond d’écran d’ordinateur, un croisement de pieds, une bague… un grand rideau de voile dressé en extérieur.

Réel et imaginaire, proximité et éloignement, couleur et monochromie cohabitent en permanence dans les images et la série photographiques. Le voilage présent sur de nombreuses photographies peut être perçu comme une toile de fond, un filtre, un artifice du photographe… ou les trois à la fois. Il peut être constitutif de l’aménagement intérieur d’une habitation, d’un musée… ou être rapporté par le photographe lui-même de façon discrète, illusoire, clairement visible ou encore fantasque. Les rares échappées visuelles au-delà de la sphère intérieure sont réservées aux sujets qui en sont privés, à savoir les migrants voués à l’errance et à la violence de l’exil.

Les images laissent apparaître des dissonances colorées comme des harmonies surannées et enveloppantes. Elles s’ouvrent sur des existences intimes tantôt choisies et accomplies, tantôt subies ; depuis le confort occidental, jusqu’aux expériences de vie alternatives et aux états d’errance. Tout fonctionne cependant ensemble et ne forme qu’un.

« Looking right then left, then right again » propose un état du monde à un instant T ; une société probablement transie, suspicieuse et inquiète d’elle-même, mais aussi une communauté en éveil, avisée, prête à réagir et reconsidérer son mode d’appartenance au monde.

Pierre-Yves Brest, octobre 2009

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